Notes dutranscripteur:
L’orthographe d’origine a été conservée et n’a pas été harmonisée.
Les erreurs de typographie évidentes ont été corrigées.
TRAGEDIE.
Par
Hilaire-Bernard de Longepierre
A PARIS,
Chez
PIERRE AUBOUYN,
Libraire de Monseigneur le Duc de Bourgogne,
PIERRE EMERY,
CHARLES CLOUZIER.
Quay des Augustins,
prés l’Hôtel de Luynes,
à l’Ecu de France,
& à la Croix d’or.
1694
IL y a peu d’Histoires aussi connuës quecelle de Medée, & de sujets de Tragedie aussi celebres que celuy-cy.Euripide l’a traitté parmi les Grecs. Ennius, Pacuvius, Accius, Ovide, &Seneque parmi les Romains. Monsieur Corneille parmi nous. La Tragedied’Euripide & celle de Seneque nous restent encore avec quelques vers desautres.
Je me suis laissé tenter aprés tant de grands hommesà la beauté de ce sujet. Il m’a toûjours paru que les deux grandsressorts de la Tragedie, la terreur & la pitié, s’y font sentirvivement; & que Medée toute méchante & toute criminelle qu’elle est,estant aussi tres malheureuse & trahie par celuy pour qui elle a toutfait & tout abandonné, est l’un des personnages du monde le plus propreà faire un grand effet sur la Scene. La simplicité même du sujet, quoyque du goût de peu de gens parmi nous, a esté un nouvel attrait pourmoy. J’ay voulu tenter de donner au Public une Piece à peu prés dans legoût des Anciens: c’est à dire, une Piece dans laquelle une actiongrande, tragique & merveilleuse, mais en même temps tres simple, fûtsoutenue seulement par la noblesse des pensées, par la vivacité desmouvemens, & par la dignité de l’expression. C’est ainsi que ces grandsMaistres de l’art, sur les ouvrages desquels l’art même & les regles ontesté formés, ont constitué leurs Tragedies, & ont composé ceschefs-d’œuvre merveilleux, qui ayant fait l’admiration de tous lessiecles, font encore pleurer & fremir dans la simple lecture. Ces Geniessublimes se sentant assez de force pour soutenir un sujet par luy même &et par eux mêmes, ont dédaigné d’avoir recours à un grand attiraild’incidens & d’Episodes; & ont rebutté les jeux de Theatre, les petitessurprises & ces autres agremens frivoles, qui plaisent dans la Comédie;mais qui ne servent dans la Tragedie qu’à amortir & à éteindre lepathetique, qui en est l’ame. Ils auroient crû sortir du caractere duPoëme tragique, & blesser en quelque maniere la raison, & les regles parconsequent, s’ils s’étoient écartez de cette simplicité d’action. Quepenseroient-ils donc s’ils entendoient dire à present qu’une Tragedien’est pas Tragedie ny dans les regles, parce qu’elle est simple? ilsjugeroient sans doute que de pareils Critiques n’ont aucune idée de laTragedie ny des regles; & qu’ils n’en connoissent que le nom.
On seroit tres faché cependant, que ceux qui ne connoissent pas lesTragedies des Anciens par elles mêmes, en voulussent juger par cettePiece qui leur est infiniment inferieure en tout. Pour ressembler à cesgrands hommes, ce n’est pas assez de travailler dans leur goût & d’apréseux; il faudroit encore avoir leur genie. Cette Piece donc peut fortbien es