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EUGÈNE LE ROY

LE MOULIN DU FRAU

Avant-propos d'ALCIDE DUSOLIER

PARIS

BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIER

EUGÈNE FASQUELLE, ÉDITEUR

11, RUE DE GRENELLE, 11
1905
Tous droits réservés

AVANT-PROPOS

I

Je ne me rappelle pas avoir jamais eu, du tempsque j'étais critique, l'occasion d'apprécier un romanrustique offrant la moindre ressemblance de factureavec le Moulin du Frau. Le Marquis des Saffras,de La Madelène, les Païens innocents, de Babou,non plus que le Chevrier, de Fabre, et le Bouscassié,de Cladel, ne sauraient lui être comparés.L'arrangement de la réalité, l'inquiétude constantede la forme, qui s'accusent également dans cesœuvres rudes ou délicates, ne s'aperçoivent pasune fois dans le Moulin. Ici, nul artifice littéraire,«l'auteur» est absent, il semble que le livre se soitfait tout seul, soit venu de lui-même.

Quand je lus dans l'Avenir de la Dordogne lespremiers feuilletons, je fus pris d'emblée au charme,absolument nouveau, d'une naïveté d'exécution sansanalogue dans mes souvenirs. Le récit se déroulaitsi simplement à travers les villages, les champs,les landes et les bois, qu'on eût juré l'histoire dumeunier écrite par le farinier en personne. Rien deprémédité, d'agencé: le Périgord comme il est etles Périgourdins comme ils sont, voilà tout. Oui,c'est bien le meunier qui raconte au jour le jourla vie de sa famille et celle de ses voisins, qui nousdit bonnement leurs idées, leurs peines, leursgaietés, au fur et à mesure que tels ou tels incidentsles déterminent, sans qu'il tente jamais de combinerces incidents pour en tirer un effet ou une situation.Et cependant, quel intérêt elles éveillent, ces existencestout unies, où les surprises et l'extraordinairen'ont point de place! Quel attrait dans ces tableauxdu monotone train-train rural!

On pourrait dire que, par là, le Moulin du Frauest un tour de force, si l'effort se trahissait en quelqueendroit. Mais non. Si nous sommes conquis dèsle début et gardés jusqu'au bout, cela tient avant toutà l'entière sincérité du narrateur, à ce qu'il a vécuson sujet:

«Le pays où l'on naquit, où l'on a grandi, où, petitenfant, on tendait des gluaux au bord des mares clairesfréquentées par les linots et les chardonnerets; les taillis,les chaumes et les maïs que, jeune homme, on a tantde fois arpentés, guêtres au mollet, carnassière au flancet fusil sur l'épaule; le paysage familier enfin, qui vousa pénétré insensiblement, voilà ce qu'il faut décrire, carvoilà seulement ce que vous rendrez avec puissance, defaçon à impressionner votre lecteur. C'est qu'il faitpartie de nous pour ainsi dire, ce paysage, c'est qu'ilest en nous, qu'en le donnant nous nous donnons nous-mêmes:il vit et, partant, il émeut.

«L'écrivain aura beau disposer d'une langue riche enmots qui peignent et qui sculptent, je le défie de metoucher par la description, quelque matériellementexacte qu'elle soit, d'un pays traversé en touriste ou vupar une portière de voiture. La nature n'a pas de cesfacilités de courtisane et ne s'abandonne pas ainsi aupremier passant venu[1]

[1] Nos Gens de lettres, p. 284.

II

Cette sincérité du narrateur, déjà si précieuse enelle-même, est servie, dans le Moulin, par unejustesse de vision des plus rares—et mise en valeurpar une prose singulièrement expressive, maisqui, par bonheur, n'a aucun rapport avec le styletendu, compliqué, surchargé, dont les professionnelsdu pittoresque font un us

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